Aujourd'hui, j'ai envie de parler d'un truc intime. D'ailleurs je n'en ai jamais parlé ici, bien que j'y étale sans vergogne la vie de mes nichons. Les copains qui me lisent de temps à autre pour se marrer peuvent sauter cet article, ce sera un peu technique et beaucoup larmoyant.
A propos de l'allaitement, le manque de lait est une des craintes les plus fréquemment entendues. Et si le bébé ne prenait pas assez ? et s'il tétait mal ? et si je ne produisais pas assez.
Chez moi, rien de tel. Dès les premiers jours avec Progéniture, je me suis retrouvée confrontée au "problème" inverse : montée de lait "en fanfare", seins énormes, fuites intempestives, lit trempé toutes les nuits. Et R.E.F.
C'est quoi le R.E.F ? C'est le réflexe d'éjection fort, la Leache League y consacre un feuillet bien complet intitulé "Trop de lait, trop vite, trop fort".
Pour ceux qui souhaitent avoir plein d'infos techniques sur le sujet, allez voir mon article sur le blog des Vendredis Intellos. Ici, je ne traiterais que de mon expérience personnelle de Tellectuelle-avec-deux-enfants.
Dans les faits, c'est assez rigolo à voir d'un œil extérieur : les seins projettent du lait par jet puissants jusqu'à plusieurs mètres. Vous connaissez mon humour potache, vous vous doutez que ça m'a bien amusée quand j'ai découvert ça.
Le hic, c'est que le bébé qui se trouve en face apprécie rarement de se prendre un coup de karcher de lait au fond du gosier. Il peut hurler au sein, se débattre, s'étrangler aussi.
Un autre "symptôme", ce sont les selles vertes, moches et gluantes (et dire que je rédige ce texte au petit déjeuner, miam !). Car l'enfant boit surtout le lait de début de tétée, riche en lactose, moins digeste que le lait de fin de tétée qui lui, est riche en graisse. Ce n'est pas qu'un problème cosmétique, le bébé est alors sujet aux coliques dues au lactose mais aussi au fait que le bébé avale de l'air, à cause de toute cette pression.
Pour Progéniture, une fois le diagnostic posé (Progé hurlait de rage au sein, se retirait et se prenait un jet de lait dans l’œil, j'ai vite compris le souci), quelques clics sur le net, un coup de fil à une conseillère de la LLL, j'ai testé deux-trois trucs et finalement, je ne sais si mon réflexe s'est amenuisé, ou si elle a appris à le gérer, mais en 10 jours, il n'y avait plus de problème. J'en ai gardé un souvenir un peu amusé, et j'ai oublié les quelques jours de détresse que j'avais vécus quand le problème était apparu.
Aussi, quand le REF est apparu vers la troisième semaine d'Entropie, j'ai pris ça sereinement, en bonne routarde du nichon : "Tiens, mon vieux copain le REF est de retour. On va gérer ça sans souci, fastoche !".
Comme si chaque enfant était pareil, comme si chaque maternité était identique, comme si moi, j'étais la même.
Sereinement (au début du moins), j'ai alors testé toutes les solutions suivantes.
1. Rapprocher les tétées, afin de ne pas avoir les seins sous pression. Un véritable échec dans notre cas, cela a multiplié les coliques très intenses, car Entropie ne buvait plus que du lait de début de tétée, riche en lactose et moins digeste que celui de la fin de tétée (qui, lui, est riche en graisse).
2. Solution opposée :
ne proposer qu'un seul sein pendant plusieurs heures, afin de mettre l'autre au repos. Il y a eu un léger mieux pendant deux jours (moins de coliques), mais ça a repris de plus belle.
3. En parallèle, quand le REF se montrait, je tentais d'
exprimer le lait en début de tétée, le temps qu'il se calme (avec un bébé hurlant de frustration à coté, le kiff).
Dans mon cas, je n'ai jamais eu l'impression que les jets trop puissants ait été évacués. J'ai pressé mes seins, je les ai compressés, mais à aucun moment je n'ai eu l'impression que ça se calmait, même temporairement.
4. J'ai changé de
position d'allaitement pour me faire aider de la gravité.
Peut-être la solution la plus efficace, mais on ne peut pas constamment allaiter allongée. De plus, souvent, on ne trouvait pas LA position confortable et ou bien elle, ou bien moi devions rapidement bouger (vive ma contracture à l'épaule qui en a profité pour revenir).
5. Là, un peu désespérée, j'ai appelé
Moog', qui est marraine d'allaitement (vous le saviez pas ? hé hé !), qui m'a expliqué que les causes étaient hormonales et qu'il y avait peu de solutions pour faire cesser le REF (en général ça passe à 3 mois, youpi), et qu'il fallait apprendre à le gérer. Elle m'a redonné des conseils sur le positionnement et donner un petit truc :
la sauge, sensée baisser la production de lait.
J'ai assaisonné tous mes plats à la sauge sans voir d’amélioration notable. Mais au moins j'ai découvert un goût nouveau ...
Et le WE dernier, j'ai tilté. Après un mois de REF, on en est à une tétée toutes les 2h la nuit, voire moins. J'ai par exemple vécu une nuit où je n'ai pas dormi du tout de 4h à 6h du matin, Entropie a tété en continu par à-coups, en râlant, s'arrêtant devant le jet trop fort, reprenant car elle avait faim.
Samedi soir, on est sortis (première sortie seuls depuis l'accouchement, hiii !), la laissant à ma sœur, qui lui a donc refilé un biberon de lait en poudre-caca-beurk. (car je n'ose pas tirer mon lait, de peur de stimuler encore plus la lactation).
Elle a dormi de 19h30 à 2h du matin, alors que la veille, comme les autres jours, elle avait réclamé à 19h30/20h30/23h/2h30.
Le dimanche matin, j'ai pleuré toute la matinée "sans raison", et j'ai pris conscience qu'elle avait rapproché les tétées, de faim, car elle n'en finissait jamais une seule. En parallèle, les coliques étaient de plus en plus fréquentes et douloureuses.
Je n'en pouvais plus de m'excuser auprès de ma fille de l'allaiter. Le comble !
J'ai repensé à l'extrait cité par
La Mère Joie dans
sa critique du livre "Bien vivre l'allaitement".
« Le succès d’un allaitement devrait d’abord se mesurer par ce
qu’il apporte à ceux qui en font l’expérience avant d’être noté sur la
quantité de lait donné, le temps passé ou la façon de sevrer son bébé.
Chacune a le pouvoir de définir sa propre relation d’allaitement et de
décider ce qui constitue, pour elle, un allaitement réussi, de la
première tétée au sevrage. »
Je me suis demandé ce que nous apportait l'allaitement, à nous deux, et aussi à notre famille. Pas en théorie, car en théorie, quand cela se passe bien, je sais que l'allaitement est
selon moi,
mon meilleur moyen de nourrir
mes touts petits (oui je souligne et resouligne, car cela reste mon opinion pour mon propre cas).
Mais là aujourd'hui que nous apportait l'allaitement ?
Pour moi, stress, questionnements perpétuels, culpabilité, fatigue dues au nuits totalement hachées.
Pour elle, cris, étranglements, appréhension des tétées et coliques très douloureuses.
Pour notre famille, installation d'un climat tendu, moindre disponibilité de ma part auprès de Progéniture, l'aînée, qui commençait à péter les plombs, et l'Homme désemparé de ne pouvoir aider.
Alors j'ai fait le deuil de la maternité dont j'avais rêvé pour ce deuxième enfant. J'ai commencé le sevrage dimanche dernier.
J'en ai pleuré, et je suis encore triste. Je râle contre la poudre qui colle qu'on retrouve partout dans la cuisine, contre les biberons et les tétines à laver constamment. Je peste quand j'ai mal anticipé la faim et qu'elle pleure en attendant que l'eau chauffe.
Mais elle n'a plus de coliques. Mon-enfant-n'a-plus-mal. Grâce à cette décision que j'ai prise, moi, sa mère.
Alors oui, je pleure cette mère que j'avais rêvé être, la mère qui allaite le plus longtemps possible, sereinement, calmement, car c'est le moyen le plus simple pour nourrir son bébé.
Mais je suis aussi la mère qui a pris LA décision qui stoppe la souffrance de son enfant. Cette mère là, même si je ne l'avais pas rêvée ainsi, elle est compétente, et je lui en suis reconnaissante. Et cette compétence que je me reconnais va probablement me permettre de ne pas sombrer dans la jolie dépression post partum qui avait commencé à pointer le bout de son nez, dimanche dernier.
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